Pour certains, les artistes sont censés porter des blouses amples de travail tachées de peinture à huile. Ils ont le devoir constant de ne jamais arrêter de peindre ou de dessiner, jusque à la mort, sinon au delà, telle est leur volonté et leur devoir de 'créer'.
Comment considérer les artistes ainsi limités et relégués? L'art, miroir de l'humanité, n'est-il pas partout? Même vivre est un art.
La musique. Non uniquement l'art de la virtuosité brillante d'interpréter ou de reproduire les œuvres les plus sublimes ou compliquées, mais surtout la volonté et la capacité de composer. De se perdre dans sa musique, de s'exalter, de jouir, de peindre avec les sons anciens, modernes ou nouveaux, s'exprimant de manière hors du temps, laissant derrière soi cet art comme un écho mélodieux de son âme qui résonnera à jamais.
L'architecture, reflétant à travers les siècles la culture des nations, la grandeur, la noblesse et les aspirations de l'homme.
Je connais un maçon qui a quatre vingt huit ans. Il a commencé son métier à quatorze ans, et même à son âge aujourd'hui il a toujours les mains d'un artiste. On ne peut pas se tromper, car c'est un vrai artiste. Il le sera tant qu'il vivra. Il a toujours fait son métier avec amour et engagement. De le regarder travailler, tailler la pierre- qu'il fait toujours d'ailleurs- est une joie. (Matière à réflexion pour ceux déjà quasi mort, ceux et celles qui donnent tant d'importance à la période où ils ne comptent plus travailler).
Bien évidemment la cuisine est aussi un art, non pas nécessairement dans l'aspect pictural des résultats, comme, par exemple, un petit pois situé bien esthétiquement à côté d'un coulis de crème de balsamique étalé avec panache et précision, mais dans ses résultats entiers, y compris un vrai panache d'odeur et de générosité qui ne pourrait que réjouir le palais.
Parfois, mais pas très souvent, on voir des chef-d'œuvres de publicité à la télé. Ils sont alors souvent mieux que les produits qu'ils sont censés promouvoir. C'est encore de l'art.
Je me rappelle d'un film qui s'appelait Walk on the Wild Side. En fait je n'ai aucun souvenir du film même, mais je me rappellerais toujours des titres de l'introduction.
Le caméra suit la silhouette d'un chat, son trajet au long d'un trottoir de banlieue américaine. Il marche à côté, et parfois à travers des lattes manquantes, d'une palissade en bois dilapidée. Une musique accompagne parfaitement ses pas félins subtils. Je me rappelle même qui en était l'auteur.
Du film donc je ne me rappelle plus de rien, mais ce chef-d'œuvre d'introduction (de Saul Bass) m'avait fait une impression inoubliable.
Il y a bien entendu beaucoup de chef-d'œuvres en tant que films. Tellement d'ailleurs qu'il ne serait pas juste de citer quelques uns sans essayer de les nommer tous. Mais il serait malhonnête de ne pas reconnaître que la majorité sont produits aux Etats Unis. Et s'il faut beaucoup d'argent pour faire un bon film, inutile d'ajouter qu'il n'est jamais le critère principal.
Il va sans dire que la photographie est un art. Même si l'image est obtenue en appuyant sur le déclencheur 'sans se fatiguer davantage', on est toujours en train de s'exprimer, par son regard, son choix de l'image, son habilité de voir, de comprendre les jeux de couleurs, les situations, de savoir composer, encadrer, et surtout de pouvoir prevoir.
Ne peut-on suggérer alors que tous ceux et celles qui pratiquent leur métier, ou leur vocation, avec vrai engagement et amour, en donnant le meilleur d'eux ou d'elles mêmes, sont des artistes?
Il arrive aussi des périodes dans le vie où on a fait ce qu'on voulait faire, comme on voulait le faire, et on a simplement envie de se concentrer davantage sur d'autres choses et de développer d'autres intérêts. Mais ça ne veut jamais dire que l'on a abandonné 'l'art', comme si c'est possible en tant qu'artiste d'être 'infidèle' à l'art, ou à soi-même.
Au contraire, on continue son évolution, sa vie, de façon la plus naturelle. D'ailleurs on essaie toujours d'exprimer en ligne et couleur, même avec les mots. Et parfois peut-être revient-on à la source de soi-même, car c'est aussi de cette manière, avec cette aspiration, que certains artistes ont commencé.
Et si on estime que ses efforts écrits nécessitent parfois un dessin ou une peinture personnelle pour les illustrer, eh bien, on reprend ses pinceaux comme si de rien n'était, car en tous cas et quoi que l'on fasse, on reste toujours ce que l'on est, jusqu'à la fin.
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The Sculptor
Tomorrow she will be ready. Perhaps his finest work.
She would be cast in bronze. The colour of life. She would be immortal.
He must see that great care is taken for the mould. She is fragile and delicate.
He paused, then as if asking for more strength he looked up, filled his lungs and sighed heavily.
He flexed his aching fingers once more, then slowly wiped his hands on his tattered, clay-stained sweater.
Before he touched her again, he trembled with fatigue. But he no longer feared to lose his control and intense concentration. It was as if she now governed her own creation.
He was very tired, yet his eyes were wide open. Were he blind he could still finish this work, such was the power she now seemed to hold over him. And his hands worked on, instinctively, as if obedient only to her.
He was no longer young. He had always lived and worked in his own world of dreams and ideals for no one but himself. But now he worked uniquely for her.
The lamplight flickered. Shadows also modelled her light, dancing form giving her even more life. He was her slave and devotedly he worked on through the night.
Her face, now complete, smiled down at him. As if conscious of her own, warm charm, she followed his feverish movements with mocking tenderness. She seemed to move with such grace and ease. She was yielding and subtle, flowing and inviting. She was his déesse of enchanting beauty.
Smoothly and irrevocably she led him into her world.
Imperceptibly at first. Slowly turning, on and on, then faster and still faster, sweeping round and round, dizzily onwards led the dance into a jarring, blissful culmination. The vortex of infinite love where they were one. Then as one, the spent lovers gracefully danced on, and their dance was eternal.
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The concierge tapped lightly on the door. She was about to go out and wondered if he needed anything. She tapped once more but didn't insist, knowing how much the old man preferred to be left undisturbed. She sighed and shook her head as she went back down the narrow staircase.
Morning sunbeams filtered through the murky skylight. On the floor lay the damaged figure of the dancing girl. In places the bent, wire frame had broken through the drying clay.
The old man lay next to the figure. Sunlight caressed his peaceful face. He looked as though he were carved in marble, like a beautiful sculpture.
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The Sculptor (1982). Text and images © Mirino (PW) October, 2010
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