Réminiscences..




Voici une illustration de 1973, pour une histoire: 'Een vreemde vogel'  ('Un drôle d'oiseau') publiée dans Margriet, un magazine Hollandais.
Vivre et travailler à Amsterdam pendant cette période particulière était agréable, puis il y avait assez de travail pour les artistes, et souvent des projets intéressants à illustrer.
Quand je regarde certaines de ces œuvres, j'ai du mal à croire qu'elles ont plus de quarante ans!

De toute façon les artistes n'ont pas trop de conception du temps. Peut-être parce que lorsqu'ils ont terminé quelque chose avec laquelle ils sont satisfaits à ce moment là, ils se rappellent toujours assez clairement de l'avoir faite. Donc en somme chaque chose de valable créée par un artiste est littéralement hors du temps en ce qui le concerne. Ce n'est pas nécessairement un critère de qualité non plus, car c'est l'artiste lui-même qui le détermine. A lui d'être satisfait ou non. Ce n'est point aux autres, quelles que soient leurs talents de jugement esthétique, de trancher sur la question de validité ou nullité d'une œuvre. Leur opinion importe peu par rapport avec celle du créateur, pourvu que ce dernier soit un artiste véritable.

Oscar Wilde le savait fort bien lui-même. Il le disait assez souvent d'ailleurs, que lorsque on essaie de faire plaisir aux autres, ou on est influencé par les opinions des prétendus connaisseurs, au lieu de rester fidèle à soi-même et à ce que l'on veut faire, (même si on se trompe) on n'est pas un artiste.

Mais tout cela on le sait, et si j'ai déterré cette 'vieille' illustration- peut-être même hors du temps elle aussi, malgré ses faiblesses, et en appartenant évidemment à son époque- c'est aussi parce qu'elle évoque des souvenirs.

Après tout, on était dans les années soixante-dix. L'interminable guerre du Viêt Nam continuait. Et nous alors jeunes, étions tous fort naïfs, complètement dupés par l'orchestration de propagande anti-américaine.
'All you need is love', 'flower power', 'Give peace a chance', etc., ainsi que l'inoubliable festival de Woodstock de 69, battaient son plein. Alors l'ennemi principal des Etats Unis était plutôt les média d'une certaine tendance politique. Ces manipulateurs de l'opinion publique mondiale, suivis par l'énorme cortège de jeunes désinvoltes convaincus qu'ils avaient la clé du bonheur céleste éternel, l'Utopie des sots, et que tout le monde est beau et gentil, y compris sans doute les combattants assasins Khmers rouges aussi barbares, haineux et cyniques qu'ils fussent.

Mais c'était aussi bien entendu une époque très créative. Beaucoup de musique créée pendant les années fin soixante, soixante-dix et quatre-vingt sont devenues des classiques, ce qui est un terme stupide, autant que 'modern'. Car une création est bonne, médiocre ou mauvaise, et le temps, évidemment n'a rien à y voir. A part le fait qu'il n'a aucun pouvoir sur celles qui sont bonnes, mais il n'hésite pas à enterrer sans cérémonie tous les autres modiques efforts médiocres.

Néanmoins trop souvent l'être humain semble avoir la mémoire bien courte, car on n'apprend jamais autant qu'on le devrait de l'histoire. Cette guerre terrible qui a commencé en juillet 1954, pour terminer en avril 1975, a laissé des cicatrices plus profondes qu'on ne le croit. Les naïfs que nous étions alors, plus prêts à blâmer les américains pour le mal du monde, sans vouloir trop faire allusion aux forces communistes du Nord-Viêt Nam, les Viêt Cong, les Khmers rouges, ceux du Pathet Lao, de la Chine, de la Corée du Nord, et de l'Union Soviétique. Non seulement nous avons aidé quasi inconsciemment ces derniers à atteindre et réaliser leur objectif, mais 'nous' (y compris trop de jeunes américains béats eux-aussi, bêlant comme les moutons de 'faire l'amour et point la guerre') avons bien contribué à trahir une cause valable d'un coté ainsi qu'un allié fidèle d'un autre, traumatisant dans le procès toute une génération qui ne comprenait pas et ne comprendra jamais à quoi un tel sacrifice cauchemardesque a finalement servi?

Aujourd'hui donc on fait quasi la même chose en Afghanistan, mais sans tant insister. C'est donc programmé ainsi. On 'libère' les pays de leurs oppresseurs totalitaires en toute vitesse, (mais bien trop tard en Afghanistan) puis on se précipite en Iraq, et après on laisse aux populations le soin et la responsabilité de faire face aux contre coups sanglants et interminables des vrais ennemis internationaux soutenus par l'Iran et la Syrie, entre autres. Ou bien on voit le mal où il ne se trouve pas nécessairement, et on fait mine de l'ignorer où il se trouve véritablement, comme justement à l'égard de la Syrie.

Et la Russie peut beau prétendre être devenue une démocratie, mais elle, autant que la Chine évidemment, soutient toujours les tyrans. Selon elles ces derniers ont la capacité de contrôler et contenir une population de cultures diverses, et tous moyens sont forcément bons pour le faire, comme on l'a vue et comme, assez complaisamment, on le voit toujours.

Nous, malgré tout, continuons stoïquement à croire uniquement aux principes de la démocratie. Mais manifestement elle aussi peut devenir son propre ennemi. On l'a vue en Egypte, et on risque de le voir éventuellement au Liban. Un gouvernement déterminé par la majorité, à la longue peut devenir un gouvernement totalitaire. Il se peut que certains aient les mêmes objectifs éventuels pour l'Europe entière. C'est un cercle vicieux. Car aujourd'hui la majorité d'une population n'est plus garante de la sagesse et donc du meilleur choix. Au contraire, parfois on dirait qu'elle soit la garante d'une régression sociale.. Même ce qui s'est passé en France pour re-pondre un socialisme idéologiquement obsolète dont les valeurs datent du 18° pourrait servir d'ailleurs comme un autre exemple.

On se persuade toujours que l'aspiration de tous les peuples du monde est la liberté, celle déterminée par la belle démocratie. Mais si cette liberté, comme on l'entend, n'est pas assez sécurisée, elle n'existe plus. Peut-être c'est aussi la raison pour laquelle une population de diverses cultures aurait l'inclination d'opter pour la prétendue sécurité prônée par un gouvernement totalitaire, au lieu de risquer l'insécurité interminable qui sous de telles circonstances pourrait manifestement être le produit d'une nouvelle démocratie.

Depuis la 'libération' d'Iraq, les disputes inter-religieuses et ethniques, et surtout le contre coup acharné, meurtrier et sans trêve d'al Qaïda, (même si l'Iran y est bien pour quelque chose) ce serait compréhensible si certains commencent à nourrir de tels doutes.

N'est-ce pas ce phénomène, cette bataille entre deux concepts fondamentaux, les interprétations et les idéologies variées que nous sommes en train d'assister avec les bouleversements sociaux, culturels et religieux des pays musulmans?

Mais finalement tout ceci n'est qu'une cheminement de pensées qui a jailli librement de quelques réminiscences évoquées par la découverte d'une 'vieille' illustration.
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Text and illustration © Mirino, August, 2013

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