Justice sociale



'La justice sociale' est une belle phrase mais c'est une cause que la nature, y compris forcément la nature humaine, ne reconnaît pas trop, sauf de manière plutôt poétique et puis philosophique. Il s'agirait alors de la justice poétique, l'ironie du sort dont le temps n'arrive jamais à subjuguée.  
La justice sociale est donc aussi mythique qu'au moins le dernier tiers de la fameuse devise française. Partie d'un idéal jamais réalisé car irréalisable, depuis sa naissance de la Révolution Française- Liberté, Fraternité et Egalité.

Affirmer ceci ne veut pas dire permettre une sorte de fatalité irresponsable de laisser faire, voire de négligence. C'est une affirmation d'une réalité naturelle, et quoi que l'on ait comme aspirations, nous sommes nous aussi contraints, malgré nos prétentions, de vivre en fonction de la nature et de ce qu'elle nous accorde. Ce n'est pas non plus comme si Dieu, ou la Nature soit cruel. Ils sont aussi cruels que gentils, autant que le bon et le mauvais temps.

Même si Dieu ou la Nature n'accorde pas à chacun(e) qu'elle fait naître les mêmes qualités, capacités et talents innés, la même beauté, santé et force, elle nous accorde à tous quand même la plus essentielle- la vie elle-même, et c'est à chacun(e) de nous de jouir de ce cadeau unique et précieux comme on entend, et aussi bien que les circonstances, qui déterminent le destin elles aussi, nous le permettent.

Mais lorsqu'on est persuadé que ce que l'on estime être un malheur personnel est plutôt la responsabilité, sinon la faute- et en tous cas la charge- des autres, on se diminue par rapport à ceux que l'on blâme, en leur accordant ainsi en somme un niveau d'importance bien plus supérieure à la nôtre.

La protection sociale a ses limites, sauf si on préfère déléguer toute responsabilité qui nous concerne à l'Etat pour faire naître une autocratie. Un Etat utopique que l'on veut naïvement accréditer d'une capacité divine pour pouvoir protéger avec tant de soin et de dévouement nos intérêts. L'Etat parental qui prétend pouvoir tout gérer et tout guérir, où miraculeusement il n'y a plus de maux sociaux, et où tout le monde est égal et exemplaire en tant que nationaux. Ceci grâce à la répression de toute opposition, de tout intellectualisme et de tout individualisme. Mais ce serait un Etat qui courtise la mort par dégénérescence, usure et faillite économique et humaine. Le sort inexorable de communisme et de totalitarisme. 

Prenons donc la noble cause, le tiers idéal qui est l'Egalité. Si on était aussi myope de croire bon de tirer ver le bas le niveau de l'éducation nationale, par exemple, pour que tous les enfants atteignent le même niveau assez facilement accessible d'une éducation médiocre, comment obtiendrait-on les prodiges capables de développer des nouvelles entreprises ainsi créant des nouveaux emplois pour l'avenir? Comment arriverait-on à inciter l'inspiration, l'aspiration et donc la volonté de ceux et celles qui auraient par conséquence la capacité de se surpasser pour alors atteindre les étoiles ainsi faisant avancer l'humanité?

C'est aussi 'naturel' de prôner un Etat qui aide ceux et celles qui ont besoin d'aide, mais la meilleure manière de les aider est de les encourager à lever la tête vers les étoiles, au lieu de demeurer dans un assujettissement lamentable et une misère qui leur est indigne. Un état triste que l'on s'inflige à soi-même pour perpétuer indéfiniment l'indulgence de l'Etat ainsi que la condescendance dédaigneuse des passants.
Mais l'objectif idéal d'un Etat ne devrait-il pas être de faire en sorte que ce genre de misère devienne impossible, donc intolérable?

Ces quelques lignes simples ne sont point écrites pour moraliser, mais pour rationaliser.
Aujourd'hui, toujours dans l'œil du cyclone de la crise, c'est forcément évident que l'altruisme ou la justice sociale ne peut pas être la première préoccupation de l'équipage envers ceux qui pleurnichent dans un coin du bateau. Ceux qui regardant leur nombril sans se rendre aucunement compte que le bateau qui fait avancer la nation, s'il n'est pas assez bien gouverné, risque de couler tout entier lui-même.
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Text © Mirino. Image- North American Nebula from the Spitzer Space Telescope, Nasa. With grateful thanks. 
November, 2011

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