Gatsby




Ce n'est qu'une autre petite histoire bête de village. Mais une histoire qui encore illustre tout de même que posséder n'est qu'une vieille illusion. On ne possède jamais rien dans le vrai sens du mot, et encore moins concernant la vie elle-même.

D'abord Gatsby s'accrochait pour des heures à notre fenêtre fermée qui donne sur le toit du voisin. Ce fut presque la fin d'un long hiver. Le chat était alors maigre comme un clou et manifestement bien malade. Ayant déjà un petit chien, on n'avait pas eu l'intention de 'l'adopter', mais on n'avait pas pu non plus le laisser comme ça.

Une fois je l'ai vu en train de gratter à la porte des voisins en bas. Lorsque j'ai eu l'occasion de parler au monsieur qui y habite, je lui ai demandé si le chat gris argenté était à eux. Il m'a répondu que non. J'ai dit qu'il avait l'air abandonné. Le voisin murmurait quelque chose en guise de réponse mais je ne l'ai pas saisi.

Alors nous avons décidé de nous occuper de Gatsby. On l'a fait examiner par un vétérinaire qui l'a vacciné, etc. Il grossissait, il devenait beau comme il devrait être.

Une fois on a même acheté un petit collier rouge pour lui. Ce même jour quand il est rentré plus tard il n'y avait plus de collier. Pensant qu'il y avait une faible possibilité que le chat a pu l'enlever lui-même, on a donc acheté un autre, identique au précèdent. Le même jour après l'avoir remis, 'Gatsby' est rentré encore sans son collier..

Alors cette fois j'ai été contrarié, et sans me freiner- car nous avions déjà eu nos soupçons à propos de la petite fille des voisins- je suis descendu pour aller chez eux et là sur le pas de la porte et sans préambule j'ai demandé directement s'ils ont enlevé le collier du chat.
La réponse, curieusement sans hésitation, ni surprise, ni interrogation, était 'non'. J'ai fait aussitôt mes excuses pour les avoir dérangés, et on a laissé les choses comme ça.

Mais dans un village même les enfants en parlent, et nous avions donc appris que nos soupçons étaient quand même bien fondés.
La vérité c'est que malgré tout et sans grand engagement de leur part, nos voisins revendiquaient le chat.

L'été arrive, nous partons en vacances. La voisine, une autre, elle aussi entourée de chats, va s'occuper de Gatsby. Nous allons laisser une fenêtre ouverte pour lui permettre de continuer à rentrer 'chez lui'.
Lorsqu'on retourne, Gatsby nous attend toujours. Il est un peu vexé. C'est normal, il s'agit d'un chat de classe. Mais il est aussi blessé. Une vilaine morsure du chat derrière l'oreille droite, sur-infectée et gros comme une balle de golf.

Nous savions que les voisins revendicateurs accueillaient toujours le chat, et comme Gatsby devait aller au vétérinaire pour sa deuxième vaccination, je leur ai laissé un petit mot- car comme il fallait l'amener tôt le surlendemain, nous ne voulions pas être contraints de réveiller nos voisins dans le cas où le chat n'est pas 'trouvable'. J'ai expliqué aussi qu'il faut traiter cette mauvaise blessure. Je les ai invité même à venir en parler s'ils voulaient.

La matin avant d'aller au vétérinaire la mère de la petite fille revendicatrice sortait de chez elle en même temps que nous descendions la ruelle. Manifestement elle voulait nous parler. Selon elle, il n'y avait pas de problème ni de malentendu, elle avait l'intention de s'occuper de la blessure du chat, et mine de rien elle interrogeait notre initiative ou notre droit, mais ceci sans trop insister quand même.

Le vétérinaire ne pouvait pas donner à Gatsby sa deuxième vaccination à cause de l'infection de la blessure. Le chat avait une forte fièvre. Il lui donne des antibiotiques et nous sommes obligés de le ramener une autre fois. Ce que l'on a fait et cette fois pour en finir le traitement avec un tatouage pour (dans nos esprits) balayer tous les vestiges poussiéreux de 'malentendus inexistants'.

Depuis Gatsby ne bouge pas trop de 'chez lui'. Il aime d'ailleurs dormir dans un sac de Levi Strauss & Co, en papier renforcé où il pète de temps en temps sans trop de considération pour le bien être de son entourage. Il a aussi développé l'habitude de nous réveiller sans façons à quatre heures du matin lorsqu'il a un petit creux.
Mais il ne s'entend aucunement avec le chat noir des voisins, avec lesquels, c'est quasi entendu, qu'il n'y a pas le moindre malentendu..


Morale de l'histoire:

Ce n'est pas essentiellement la responsabilité que l'on prend lorsqu'on 'adopte un animal abandonné', ni les considérations de combien on dépense pour pouvoir l'assumer. 'Le droit d'adopter' n'est pas nécessairement mesuré par l'attention et l'amour donnés. Ce n'est pas un collier rouge ni même un tatouage qui compte. Ce n'est pas non plus le choix ou la volonté des uns et des autres qui représentent les facteurs déterminants.

Ce qui est primordial c'est simplement le choix du premier concerné. En réalité ce n'est pas nous qui avons adopté 'Gatsby'. C'est lui qui nous a adoptés.
C'est uniquement ceci qui compte, qui est incontestable et qui devrait être toujours respecté.
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Italiano
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Text and Images © Mirino (PW) September, 2009

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