Géants et nains



Il paraît que F. Hollande ait été à la hauteur des commémorations du
6 juin en France. Alors bien entendu ceci mérite la reconnaissance et
le respect général.

Mais cette référence aux commémorations des soixante-dix ans du jour du débarquement n'est pas faite pour louer le comportement digne de l'occasion du chef de l'Etat. Elle est faite pour souligner certaines vérités de cette période terriblement fatidique de l'histoire, suivant la fin de l'holocaust et la deuxième guerre mondiale.

Il me semble que l'on soit parfois obligé de maintenir stoïquement une image de stature qui reflète non seulement la hauteur physique d'un personnage, mais aussi ce que l'on aimerait y voir, reconnaître et maintenir comme qualités de grande stature générale.
Ceci donc est encore une petite allusion à Charles de Gaulle.

On dit que celui qui aide à tuer le monstre doit à son tour mourir. D'une certaine manière ceci s'appliquerait à Winston Churchill. Après la guerre, malgré tout ce qu'il a fait, malgré ses discours inoubliables qui résonnent toujours dans le cœur et l'esprit des anglais; on n'avait plus besoin de lui. Il appartenait à ce chapitre belliqueux, et il fallait tourner la page.
Pour Horatio Nelson, à une autre époque (1758-1805) c'était presque la même chose. (On n'avait même pas respecté sa dernière volonté en ce qui concerne Lady Emma Hamilton. Puis on a bien du mal à le voir là haut à Trafalgar Square, Londres, décoré seulement par trop de pigeons).

Il est indiscutable que sans un Charles de Gaulle réel ou mythique, la France aurait eu beaucoup de mal à sortir de la guerre indemne et avec la tête haute. Sans lui il y aurait eu une division sociale durable, malsaine et dangereuse. Sans lui la France aurait été dans le même état où elle se trouva juste après la Révolution Française, en miettes. Il représentait donc le rassembleur, comme Napoléon en somme, mais à titre personnel malgré la différence nette de taille, je pense que Napoléon avait plus de stature que le Général de Gaulle.

Charles de Gaulle détestait les anglais, et encore plus les américains. D'ailleurs une fois Mme. Churchill lui a fait remarquer qu'il ne devrait pas détester ses amis plus que ses ennemis. Mais pour De Gaulle-  'La France n'a pas d'amis, uniquement des intérêts'. Peut-être appliquait-il le principe de cette declaration plutôt à lui-même qu'à la France. Mais c'est probable que Charles de Gaulle se prenait aussi pour la France.

Peut-être c'est donc utile de réfléchir encore sur le fait que sans l'Angleterre, sans cette 'perfide Albion', Charles de Gaulle, et donc le gaullisme (qui essentiellement pourrait être aussi mythique) n'aurait jamais eu sa place privilégiée dans l'histoire ni sur la vaste scène politique. C'est donc grâce à l'Angleterre que le Général est devenu un symbole tellement précieux sinon illusoire pour la France.

Mais supposons que The Battle of Britain ait été perdue par les anglais. Supposons que la Luftwaffe, les V1 et surtout les V2 aient pu finalement mettre la Grande Bretagne à genoux. Ce n'aurait pas été impossible, même si le temps et la situation économique de l'Allemagne Nazie étaient devenus alors critiques.
Dans un tel cas catastrophique Charles de Gaulle ne pouvait pas compter sur les Etats Unis. Jamais il n'aurait pu revenir en France comme le grand conquérant glorieux pour redorer le blason français et faire claquer les drapeaux français à nouveau. L'histoire aurait été carrément différente. Par extension l'histoire bien moins noble et plutôt ironiquement tragique de l'Algérie des années cinquante et soixante se serait déroulée sans doute d'une autre manière.

On semble avoir un besoin constant en France de croire toujours en De Gaulle et en ce qu'il représente. Ceci à tel point que l'on est capable de congédier ses erreurs, de tout lui pardonner, de lui prêter des pouvoirs qu'il n'a jamais eu, comme celui d'un visionnaire. Si Charles de Gaulle avait une telle capacité de prévoir, jamais il n'aurait fait des erreurs de jugement si tragiques et irrémédiables qu'il a commis à l'égard de l'Algérie.

Mais retournons au 6 juin, 1944. De Gaulle eut été prévenu du débarquement seulement la veille. C'est donc certain que les américains et les anglais l'eurent voulu ainsi. De Gaulle se rendit bien compte donc que l'on ne voulut pas qu'il sache. En conséquence il ne leur eut jamais pardonné pour ceci. Telle a été sa rancune que pendant des années il refusa toutes commémorations du débarquement, malgré tant d'engagement et de sacrifice de la part des alliés pour libérer la France.

Pendant des années il avait imposé, à tort ou à raison, un silence total sur la période de la collaboration française, et sur ses rapports avec le Parti communiste.

Est ce que c'est aussi pour cela que le nom de Charles de Gaulle n'a pas été mentionné lors de la commémoration de 6 Juin, 2014, pourtant une commémoration majeure internationale?

En outre on m'informe qu'à l'appel de Winston Churchill, toutes les femmes qui ont servi dans la résistance française dont beaucoup se sont donc aussi sacrifiées, n'ont jamais été reconnues par De Gaulle comme 'Résistantes', car elles n'ont pas été appelées par lui. Aussi à cause de ceci aucune décoration ne leur fut jamais donné de sa part.

Malgré la vérité et la contre vérité, parfois dans l'histoire les mythes iconiques ont bien plus de valeur et de prestige que la réalité, un peu comme des contes de fées des géants et des nains.
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Text and drawing (detail, 1967) © Mirino. June, 2014

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