Après avoir lu Robespière de Max Gallo, on pourrait être porté à faire des hypothèses à propos de ce personnage balloté par la vie à un trop jeune âge, et qui malgré ceci a contribué à forger l'histoire français de façon extrême, avant de finir (juillet 1794) indignement dans une fosse commune.
Conçu hors mariage, Maximilien Robespierre fut né le 6 mai 1758 d'un avocat au Conseil supérieur d'Artois (Maximilien-Barthélémy-François Robespierre). Sa mère s'appela Jacqueline-Marguerite Carrut. Les parents se seraient rencontrés en 1757 et le mariage eut lieu le 2 janvier 1758. Le grand père paternel de Robespierre fut lui aussi avocat.
Quatre enfants de plus naîtront, mais la mère mourut en 1764 à 29 ans, ainsi que son dernier nouveau né. Le père abandonna ses enfants peu de temps après la mort de son épouse. Robespierre avait alors six ans. A huit ans il savait déjà lire et écrire.
Les garçons furent accueillis par leur grand père maternel, et les filles par leurs tantes paternelles.
Etant l'aîné, Robespierre aurait senti déjà très jeune le poids de la responsabilité envers ses frères et sœurs. Logiquement il aurait été désillusionné et marqué par le comportement de son père, et par une vie de famille tant déboussolée. De subir un tel sort ne lui aurait inspiré la confiance en ce qui concerne les valeurs familiales.
Nonobstant ces bouleversements, Robespierre brilla au collège Louis-le-Grand (1769-1781). Il gagna une réputation pour son excellence en Latin, Grec et Rhétorique. D'ailleurs la puissance de persuasion qui émanait de ses discours assurerait sa renommée.
Au terme de ses études il recevra un prix spécial de 600 livres pour son exemplarité comme étudiant.
Ironiquement Robespierre fut choisi pour adresser un compliment en vers au nouveau roi Louis XVI (parmi cinq cent élèves). Il paraît que le couple royal n'eut même pas voulu quitter leur carrosse durant toute la cérémonie, peut-être à cause du mauvais temps. En plus ils partirent dès que l'occasion le permit.
Évidemment la vie de Robespierre comme avocat et surtout comme un des personnages principaux et très controversé de la Révolution Française prendrait bien des pages à la présenter convenablement. En tous cas ce n'est pas l'objectif ici.
Robespierre, malgré sa grande intelligence, semblait être un individu tourmenté par ses propres paradoxes. Il était contre la peine de mort, pour l'abolition de l'esclavage et pour l'égalité des chances comme le droit de vote pour tous ceux toujours considérés à cette époque comme marginaux. N'empêche qu'il pensait aussi que 'la terreur' était nécessaire. Robespierre utilisait même ce mot assez souvent lors de cette période cruelle et insensée, de même qu'il pensait que le roi devait mourir sans la moindre défense légale.
Sans doute Louis XVI était toujours dans ses nuages, assez inconscient, plus pris par la chasse et ses bricolages avec le serrurier que préoccupé par les noirs nuages orageux de mécontentement sociaux, mais il soutenait activement l'indépendance des Etats Unis, et il n'était jamais totalement adverse à l'idée d'un Parlement indépendant et démocratique. Il n'avait rien contre une nouvelle constitution, aussi pour défendre les droits de l'homme, etc. C'est possible qu'il aurait été parfaitement d'accord avec tout, pourvu qu'on le laisse tranquille.
Mais ce fut surtout Robespierre et ce discours qui eut déterminé sans façons la fin du roi et donc la fin du vieux système, bien périmé de toute façon, d'absolutisme :
'Il n'y a point de procès à faire. Louis n'est point un accusé, vous n'êtes point des juges; vous êtes, vous ne pouvez être que des hommes d'État et les représentants de la nation. Vous n'avez point une sentence à rendre pour ou contre un homme, mais une mesure de salut public à prendre, un acte de Providence nationale à exercer. Quel est le parti que la saine politique prescrit pour cimenter la République naissante? C'est de graver profondément dans les cœurs le mépris de la royauté, et de frapper de stupeur tous les partisans du roi. [...] Louis fut roi, et la République est fondée. La question fameuse qui vous occupe est décidée par ces seuls mots: Louis est détrôné par ses crimes; Louis dénonçait le peuple français comme rebelle; il a appelé, pour le châtier, les armes des tyrans ses confrères. La victoire et le peuple ont décidé que lui seul était rebelle. Louis ne peut donc être jugé, il est déjà condamné; il est condamné, ou la République n'est point absoute. Proposer de faire le procès de Louis XVI, de quelque manière que ce puisse être, c'est rétrograder vers le despotisme royal et constitutionnel; c'est une idée contre-révolutionnaire car c'est mettre la révolution elle-même en litige. En effet, si Louis peut être encore l'objet d'un procès, Louis peut être absous; il peut être innocent; que dis-je! il est présumé l'être jusqu'à ce qu'il soit jugé. Mais si Louis peut être présumé innocent, que devient la révolution? N'est-elle pas encore incertaine et douteuse?'
Maximilien Robespierre, Discours à la Convention, 1792
Celui qui tue le monstre, si monstre il y eût, doit lui aussi mourir, mais dans le cas de Robespierre, il se peut qu'il y ait un malentendu historique. Car même si pour lui il fallait à tout prix mettre fin à la monarchie, il voulait aussi mettre fin à la terreur.
Napoléon Bonaparte avait aussi soutenu cette thèse que Robespierre n'avait pas été blessé à la mâchoire par un gendarme qui s'appelait en plus Merda, (on le fit donc taire avant de le guillotiner, puis on le jeta avec les autres dans une fosse commune avant de recouvrir les corps de chaux pour les faire disparaître totalement) à cause de quoi que ce soit qu'il aurait fait. Robespierre fut guillotiné parce qu'il voulait que la terreur cesse. Il fut donc tué pour que la terreur puisse continuer.
Il serait aussi faux de croire que Robespierre était athée. Voici ce qu'il prononça à propos de 'l'Etre Suprême'. Un autre titre alors politiquement correct pour Dieu, bien entendu.
'La superstition, il est vrai, est un des appuis du despotisme, mais ce n’est point induire les citoyens dans la superstition que de prononcer le nom de la divinité, j’abhorre autant que personne toutes ces sectes impies qui se sont répandues dans l’univers pour favoriser l’ambition, le fanatisme et toutes les passions, en se couvrant du pouvoir secret de l’éternel qui a créé la nature et l’humanité, mais je suis bien loin de la confondre avec ces imbéciles dont le despotisme s’est armé. Je soutiens, moi, ces éternels principes sur lesquels s’étaie la faiblesse humaine pour s’élancer à la vertu. Ce n’est point un vain langage dans ma bouche, pas plus que dans celle de tous les hommes illustres qui n’en avaient pas moins de morale pour croire à l’existence de dieu. Oui, invoquer le nom de la providence et émettre une idée de l’être éternel qui influe essentiellement sur les destins des nations, qui me paraît à moi veiller d’une manière toute particulière sur la révolution française, n’est point une idée trop hasardée, mais un sentiment de mon cœur, un sentiment qui m’est nécessaire; comment ne me serait-il pas nécessaire à moi qui, livré dans l’assemblée constituante à toutes les passions, à toutes les viles intrigues, et environné de tant d’ennemis nombreux, me suis soutenu. Seul avec mon âme, comment aurais-je pu soutenir des travaux qui sont au-dessus de la force humaine, si je n’avais point élevé mon âme. Sans trop approfondir cette idée encourageante, ce sentiment divin m’a bien dédommagé de tous les avantages offerts à ceux qui voulaient trahir le peuple.'
1792, aux Jacobins
N'y a-t-il pas un rapport entre régicide et parricide? Ne peut-on avancer que pour Robespierre la Patrie, la République, l'Etat, étaient devenu sa famille substituée, son enfant naissant? Pour lui le roi ne représentait rien d'autre qu'un obstacle couteux, un symbole dépassé d'absolutisme qui ne méritait même pas un procès digne. Louis XVI aurait pu sembler aussi futile et irresponsable dans les yeux de Robespierre que son propre père.
Puis lorsqu'on revient à l'actualité, n'y a-t-il pas des parallèles? En considérant les histoires de famille de certains idéologues d'aujourd'hui, on pourrait conclure, que leur volonté de dévaloriser la famille par rapport à l'Etat, sinon de vouloir carrément la substituer par l'Etat, est souvent instigué et encouragé par des histoires de familles personnelles moins heureuses qu'elles auraient du être. Car c'est toujours les parents qui établissent la norme, le modèle, et l'exemple si déterminants pour le futur de leurs enfants.
Parfois ceux qui veulent être reconnus et acceptés pour ce qu'ils sont, essayent de le faire grâce à l'Etat. Mais c'est une illusion. Si on n'est pas reconnu, accepté et aimé pour ce que l'on est, d'abord par ses propres parents, il n'y a personne, aucun Etat, aucune puissance ou religion au monde qui pourra combler ce vide terrible.
C'est aussi pour cela qu'il faut se méfier d'un Etat qui se pose de manière fausse, arbitraire et condescendante, prétendant comme un charlatan détenir tous les remèdes pour guérir tous les maux imaginables ou imaginaires de la société, sinon du monde. Ce genre d'Etat est même capable d'exploiter 'les âmes perdues' afin d'accroître davantage son pouvoir.
Vouloir changer le monde selon un concept personnel, simplement à cause de l'expérience d'une jeunesse mal vécue serait illusoire, inutile et peut-être même dangereux.
Sans nommer les noms des ministres du gouvernement français actuel, à part du Président français lui même, c'est intéressant de noter qu'il y a des oppositions idéologiques comme ceux des parents de F. Hollande, ou des paradoxes parentaux chez certains, ou il y a carrément des conflits chez d'autres.
En somme des situations familiales déboussolées, ambiguës ou anormales peuvent naturellement mettre en cause et dévaloriser l'importance de la famille pour les enfants qui ont vécus de telles expériences. Ils pourraient alors provoquer un manque total de confiance envers l'idéal de la famille ainsi que favoriser une conviction ideologique que l'Etat doit assumer davantage de responsabilité sociale sinon même parentale pour réparer ce qu'ils estiment sont les maux et les inégalités sociaux.
Ce n'est donc pour rien, par exemple, que Mme Royal a une fois pris certaines initiatives inouïes qui regardent directement les parents, concernant leurs jeunes filles.
La manière avec laquelle certains ministres socialistes défendent leurs convictions est aussi révélatrice. Il n'y a pas lieu ou occasion pour ceux qui opposent leurs idées de débattre avec eux, et ceci à tel point qu'on a la nette impression que de tels projets parfois imposés sans façons soient aussi ressentis comme des devoirs sacrés quasi obsessionnels. Comme si de manière inconsciente ces idéologues convaincus s'acharneraient à réparer certains torts dont ils auraient pu en être sujet lors de leur propre jeunesse.
Évidemment on ne devrait jamais généraliser. Sans doute beaucoup de personnes qui sympathisent avec l'idéologie socialiste ont aussi bénéficié d'une vie de famille tout à fait normale, heureuse et peut-être même exemplaire. Mais on ose ajouter que logiquement ce serait rare. La 'fraternité' qui essentiellement représente une exclusivité chez les socialistes français est aussi leur façon de se protéger 'en famille' pour pouvoir justement essayer de 'réparer les maux sociaux'. Mais il va sans dire qu'en principe la fraternité comme la liberté devrait être apolitique, autant impartiale et égale que devrait être la justice.
Puis lorsqu'on est élu Président par une maigre marge de 1.63%, on a quand même le devoir fondamental de représenter tous les français. Idéologiquement les socialistes français ne peuvent pas admettre ceux qui s'opposent à leur idéologie, même s'il s'agit d'une majorité écrasante. Mais malgré ce manque d'égard important pour la démocratie, ils sont toujours et absurdement persuadés qu'ils représentent à eux tout seuls le bien contre le mal. Le mal, comme un reflet d'une autre époque, serait donc incarné par ceux coupable du 'crime capital' de ne pas être d'accord.
Et même si trop de ces illuminés sont toujours inspirés par la naissance de la République, y compris la règne de terreur des années fin 18°, ils sont aussi convaincus qu'ils représentent 'le progrès'.
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Text © Mirino. Speeches de Robespierre. Top portrait (c.1792) Robespierre, Joseph Ducreux. Huile sur toile. Second portrait engraving of Robespierre. With thanks also to Wikipedia. February, 2014
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