Fonceurs de la liberté



Naturellement on est horrifié par l'utilisation des armes chimiques en Syrie, même si on semblait être nettement moins horrifié par l'utilisation des armes chimiques par le régime de Saddam Hussein contre les forces iraniennes, avant de les utiliser même chez lui contre les kurdes iraqiens.

Notre horreur doit dépendre donc sur nos intérêts. F. Hollande est tellement pressé de jouer le rôle du justicier numéro deux du monde pour 'punir' la Syrie, que l'on pourrait suspecter que certains accords ont été faits auparavant pour faire plaisir à ceux au Moyen Orient qui de loin préfèrent payer au lieu de participer plus activement, même si le problème les regarde nettement plus qu'il ne regarde l'Occident.

Notre première réaction de cette attaque des armes chimiques est donc celle de vouloir en finir avec Assad pour de bon. Ceci d'autant plus après presque trois ans de guerre civile qui aurait pu être évitée si Assad tenait à le faire et avait davantage de bonne volonté. Mais il a préféré suivre les pas de son père. Peut-être pour Bachar el-Assad c'est donc normal de tuer quasi aveuglément et opprimer son peuple afin de garder son pouvoir. Si cela avait bien marché pour son père, peut-être selon Assad, il n'y aurait aucune raison pourquoi il ne pouvait pas obtenir les mêmes résultats.

Mais le monde évolue de plus en plus rapidement. La mondialisation fait que rien n'est aussi simple qu'il en avait peut-être d'abord l'air. Avec les jours, les heures, nos opinions se modifient selon l'évolution des événements, l'accès de plus en plus rapide à diverses informations, et notre propre sens de jugement.

L'ONU ne fournira aucune preuve à propos de qui est responsable de cette attaque chimique. D'ailleurs c'est même plausible que cet aspect quand même essentiel, le concerne moins que celui d'établir simplement qu'une attaque chimique ait eu lieu.

Pour le Congrès américain les frappes punitives contre le régime de Assad doivent être aussi justifiées comme essentielles aux intérêts généraux des Etats Unis, et à priori leur sécurité. Ce n'est aucunement évident que ce soit le cas. D'ailleurs on est incapable de prévoir les conséquences et les réactions d'un tel engagement punitif, malgré les efforts d'Obama de rassurer qu'il n'aboutirait pas à un autre Iraq ou à un autre Afghanistan. On n'en sait rien.

Mais on sait déjà bien assez pour reconnaître que l'on ne peut pas s'ingérer en Syrie sans au moins se brûler les doigts. On sait que l'opposition, qui aurait pu être aidée sérieusement il y a 18 mois, aussi pour qu'elle soit mieux organisée et unifiée, n'a plus de contrôle réel sur les influxes de factions diverses d'extrèmistes dont les forces se multiplient de manière de plus en plus imposante et déconcertante.

Il semble aussi apparent que les autorités des Etats Unis n'ont rien appris de leurs erreurs commises en Afghanistan suivant la fin de la guerre afghano-soviétique, erreurs qui ont déterminé tant de conséquences tragiques. Car accélérer la fin d'Assad pourrait être considéré bien louable, si on savait avec certitude que ceci déterminera une Syrie stable et 'démocratique'. Malheureusement c'est plutôt le contraire. D'abord un flou infect, puis les plus forts et barbares contre une opposition légitime sérieusement affaiblie par quasi trois ans de guerre. En somme le même scénario que celui de l'Afghanistan en 1997, mais cette fois avec la possibilité d'un arsenal d'armes chimiques entres autres pour le gagnant.

Obama et Hollande ont choisi de retirer leur forces d'Afghanistan tout en sachant que la guerre est loin d'y être terminée. Mais ils sont prêts à 'punir' Bachar el-Assad en croyant et en espérant qu'une telle intervention accéléra son départ, sans accorder trop d'importance au scénario qui suivrait.

Les talibans (alors de toutes nationalités) ont pris Kabul en 1996, 'Nadjibollah est assassiné. Le président Rabbani se réfugie au Badakhcan et Massoud résiste dans la vallée du Panjshir. 2001, les talibans contrôlent 90% du pays. Les sbires du ministre de la Répression du vice et de la Promotion de la vertue font régner la terreur. Destruction des bouddhas de Bamiyan. 9 septembre 2001: assassinat du commandant Massoud. 11 septembre 2001: attentats à New York et Washington..'

Ce qui suivra la fin d'Assad est donc bien plus important que trois jours de frappes américaines et françaises. Frappes qui si exécutées seront faites plutôt pour la forme, les sondages et la crédibilité des deux personnages qui se sont engagés trop tôt (officiellement pour une cause morale); et bien moins pour la crédibilité de leurs pays dont la majorité du peuple est contre un tel engagement.

Si on n'apprend rien de l'histoire, elle a une fâcheuse tendance à se répéter. Admettant qu'un engagement en Syrie de la part d'Obama et de Hollande ait lieu, les conséquences seront aussi leur responsabilité. Et ainsi va l'histoire.
    Eventus stultorum magister
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Text and image © Mirino. Chronologie from Pour l'amour de Massoud by Sediqa Massoud. September, 2013

1 comment:

Mirino said...

On ne peut pas s'étonner que F. Hollande ait été écarté depuis que Poutine et Obama ont révélé leur entente à propos d'un accord pour que l'ONU puisse contrôler et faire détruire (...) le stock entier d'armes chimiques d'Assad.

En tous cas c'est peut-être une bonne opportunité pour l'Occident de se rapprocher davantage de la Russie et travailler plus sérieusement avec les autorités russes- si c'est possible, malgré les points de divergences y compris leurs alliances opposées classiques.

La stabilité du Moyen-Orient en dépend n'en déplaise à ceux qui avaient leur propres raisons pour vouloir essayer de se mettre devant, ou là haut.