Si sourire était l'essence de la générosité, ne pourrait on pas dire que les Italiens sont parmi les plus généreux? Par contre, parfois on a la triste impression que rien n'est gratuit chez les français, y compris le sourire. Parfois quasi tout y semble être un devoir ardu.
Par exemple, même si on a payé cher pour la livraison d'une commande en France, le fait que la commande soit enfin livrée (un jour ou deux en retard, si on a de la chance) nous remplit d'une telle reconnaissance béate qu'on dirait que le livreur a fait le tour du monde à pied et à la nage pour y arriver. Mais il faut un bon pourboire pour réussir à obtenir le vestige d'un brève sourire avant qu'il ne s'en aille péniblement à nouveau.
Mais la France joyeuse, généreuse et dévouée, où est elle donc passée depuis la belle époque de belle lurette? La Grande Guerre, la grande illusion, la Deuxième Guerre, cruelle, hypocrite et tragique, étaient elles pour quelque chose? Puis Algérie, la trahison inguerisable, aboutissant éventuellement aux années machiavéliques et cyniques, les années nocives de Mitterand.
Sans doute ce cynisme, composé de la fausse générosité, du partage de la misère, de la médiocrité et de la mesquinerie politiquement correct y sont certainement pour quelque chose.
N'est-ce pas le mitterandisme qui a semé les graines toxiques et contagieuses du politiquement correct français? La maladie s'est répandue insidieusement contaminant tous les partis politiques, y compris ceux prétendus extrêmes, et les média semblent en jouir s'assurant que personne ne soit épargnée.
Le politiquement correct est essentiel au socialisme français. C'est un code de conduite tacite qui vous accorde le droit d'avoir raison, même si vous avez catégoriquement tort. Il protège ceux qui n'ont pas besoin d'être protégés, et il ignore ceux qui en ont besoin. Il engendre les parasites et il perpétue la pauvreté. Il congédie le talent, ne récompense jamais le mérite, et se contente de la médiocrité. Du socialisme français politiquement correct émane en permanence une arrogance moralisatrice incohérente et totalement injustifiée.
C'est pour cela que c'est un rare plaisir de voir en France un perfectionniste tellement pris par son métier, que ce soit la plomberie, la maçonnerie ou la charpenterie, etc., qu'il ne regarde pas l'heure. Pour lui c'est parfaitement naturel de travailler bien plus longtemps, s'il veut ou s'il estime nécessaire, que la période pour laquelle il a été payé.
Mais quand travailler représente une tache tellement ardue que même faire la grève devient un passe-temps raisonnable, ou bien on se consacre à planifier pour prendre sa retraite le plus tôt possible, ou on facilite systématiquement l'éducation des enfants au point où ils n'ont plus envie ni besoin d'apprendre quoi que ce soit, alors si on avance à peine, ce n'est que vers le néant.
Comment persuader certains plombiers français d'accorder un moment de leur temps précieux de venir réparer une petite fuite?
Mais regarder travailler les Italiens, ceux qui sont passionnés par leur métier, ou plutôt leur vocation, est une joie. Suis je naïf de croire qu'avec eux on sait toujours où on est? La vie est donc simple, et jamais trop chère non plus. Même quand ils pourraient prendre avantage d'une situation, leurs devis sont, pour la plupart, raisonnables. Ceci on sait déjà d'expérience. Et ce n'est pas un délégué qui vient faire le travail non plus, c'est le chef d'entreprise lui-même qui vient se salir les mains, et lui il a toujours un beau sourire.
Peut-être s'agit-il du sourire de la liberté, car lorsqu'on organise sa vie pour être maitre de son destin, on est aussi libre d'en jouir. Mais quand sa liberté dépend ou sur un Etat figé par l'idéologie, ou sur un système d'administration qui marche au ralenti, (s'il n'est pas carrément coincé dans la profondeur abyssale de sa propre paperasse) on ne peut pas jouir de quoi que ce soit. On est aussi obligé de marcher au ralenti, et par conséquence on est aussi carrément coincé, ce qui n'est jamais propice au sourire.
*
Text and vignette (from Alice's Adventures in Wonderland) © Mirino. March, 2015